Comme l'a indiqué Artprice dans son célèbre rapport du Marché de
l'Art 2013, le Marché de l'Art connaît une véritable mutation
économique, géopolitique et sociologique où le nombre d'acteurs ne cesse
de croître de manière exponentielle sur l'ensemble des continents.
Selon thierry Ehrmann, Président d'Artprice, "Nous sommes
indiscutablement entrés, notamment à travers les process de
normalisation du Marché de l'Art dont Artprice est l'auteur unique, dans
une financiarisation de ce Marché. Elle provient d'une multiplication
exponentielle des flux financiers et du développement de la pratique des
opérations financières qui impactent le Marché de l'Art en profondeur."
Il est vrai qu'avec Artprice, les acteurs du Marché possèdent toute
une palette d'analyses et d'outils indiciels (Artprice Screen) qui leur
permettent d'appréhender ce Marché comme notamment celui des actions.
Nous noterons, selon thierry Ehrmann, "La France est définitivement
exclue de cette nouvelle géopolitique. Un simple constat le démontre
amplement. Une unique journée de vacation à New York correspond
exactement au chiffre d'affaires annuel de la maison France (505M€)
sur l'ensemble du Fine Art. Ce chiffre clôt définitivement le débat
franco-français."
Artprice a analysé de près les derniers résultats de New York qui
cautionne parfaitement ces différentes analyses et prévisions.
New York : le haut de gamme contemporain explose
"Comme l'an dernier, l'art contemporain rapporte plus que l'art
impressionniste et moderne : si Sotheby's et Christie's généraient 578,3
m$ de produit de ventes en 102 coups de marteau lors des cessions
contemporaines 2012 (un record pour l'art contemporain), leurs résultats
cumulés culminent cette fois à 691,7 m$ dont un record historique de
435 m$ enregistrés par Christie's le 15 mai 2013."
Les ventes impressionnistes et modernes des 7 et 8 mai 2013 ont
rapporté 388,5 m$ (frais inclus) à Christie's et Sotheby's. Dans ce
combat de chefs entre les deux maisons de ventes leaders, Sotheby's
l'emporte sur sa rivale, comme ce fut déjà le cas l'année dernière grâce
au record mondial d'enchère décroché par Le Cri d'Edvard Munch (230 m$
de résultat pour Sotheby's ce 7 mai 2013 et 158,5 m$ pour Christie's
le lendemain). Sotheby's, qui espérait engranger cette année au moins 60
m$ grâce à deux toiles, l'une de Cézanne, l'autre de Modigliani, a
réussi son pari avec un superbe score pour Les Pommes de Paul Cézanne
(1889, 38,5 cm x 46 cm), oeuvre estimée entre 25 m$ et 35 m$, finalement
vendue 37 m$ (41,6 m$ frais inclus) et une adjudication plus mesurée de
23 m$ pour L'Amazone d'Amedeo Modigliani (soit 25,9 m$ frais inclus).
Du côté de l'art contemporain, dont les sessions suivent
traditionnellement celles d'art moderne, les têtes d'affiche du cru 2013
confirment absolument les tendances enregistrées l'an dernier : le
marché est en effet avide d'oeuvres américaines et européennes, réalisées
entre les années 1940 et la fin des années 1960. En 2012, les plus
grandes signatures de l'art contemporain voyaient déjà leurs records
d'enchères déclassés à hauteur de plusieurs millions de dollars. Yves
Klein révisait alors son précédent sommet de 11 m$, Gerhard Richter de
près de 12 m$, Mark Rothko de 12,5 m$ et Jackson Pollock de 25,6 m$.
Cette envolée des prix s'est encore confirmée, d'abord le 14 mai 2013
chez Sotheby's où Yves Klein enregistrait un nouveau record pour une oeuvre tridimensionnelle (Sculpture Eponge Bleue
Sans Titre cédée 22,005 m$ avec frais), Gerhard Richter asseyait
encore son statut d'artiste vivant le plus cher du monde avec 2,6 m$ de
plus que son dernier record (Domplatz, Mailand, une huile sur toile
réalisée en 1968 et adjugée 33 m$, soit 37,1 m$ avec frais. Son
précédent record culminait à 34,16 m$ frais inclus avec Abstraktes Bild,
une oeuvre de 1994 vendue en octobre 2012 chez Sotheby's Londres).
Le 15 mai, la vente époustouflante de Christie's démontre combien la
demande globalisée sur le très haut de gamme repousse sans cesse les
limites : 94 % de lots vendus (6 % d'invendus seulement sur les 70 lots
offerts), neuf ?uvres cédées plus de 10 m$, de nouveaux seuils de prix
atteints notamment pour Roy Lichtenstein , Jean-Michel Basquiat et
Jackson Pollock . Ces trois artistes plantaient déjà de nouveaux records
multimillionnaires l'année dernière, mais la compétition des prix ne
devrait pas s'arrêter là : Roy Lichtenstein est en train de rattraper
les sommets d'Andy Warhol, autre maître du Pop art, avec sa Woman with
Flowered Hat qui culmine à 56,1 m$ commissions comprises (plus de 11 m$
que Sleeping Figure, précédent record s'élevant à 40 m$ au marteau et à
44,8 m$ avec les frais).
La cote de Jean-Michel Basquiat continue elle-aussi de s'affoler,
avec quelques millions supplémentaires à ajouter à ses records de l'an
dernier : sa toile Dustheads sera payée 48,8 m$ par son nouveau
propriétaire, bien au-delà de l'estimation de 25 m$ à 35 m$ et du
précédent record à 26,4 m$ frais compris (adjudication de 23,5 m$ pour
Untitled de 81, le 14 novembre 2012).
Course aux records pour les expressionnistes abstraits américains
Autre tendance forte, la force de frappe des expressionnistes
abstraits américains est véritablement un enjeu majeur pour la bonne
tenue des ventes d'art contemporain. Le 14 mai, Sotheby's constatait que
la moitié de son offre très haut de gamme (oeuvres à plus de 10 m$)
tenait en effet sur les seules signatures de Barnett Newman , Clyfford
Still et Jackson Pollock . Le meilleur résultat de cette vacation
récompense ainsi un chantre de l'expressionnisme abstrait avec Newman
qui culmine à 43,8 m$ (frais inclus, adjudication de 39 m$). La toile
honorée d'une telle enchère (nouveau record pour l'artiste) est Onement
VI, une ?uvre monumentale vibrante de couleur bleue, couleur méditative
par excellence qui lui valut d'être qualifiée par Sotheby's de "portail
vers le sublime". L'artiste déclasse ainsi de quelque 19 millions un
précédent record enregistré lors des ventes de mai 2012 (20 m$, Onement
V, 8 mai, Christie's).
L'envolée des cotes expressionnistes s'est poursuivie le lendemain
soir chez Christie's, Jackson Pollock en tête avec son dripping,
Number 19, 1948 vendu pas moins de 58,4 m$ avec les frais. L'?uvre a
crevé un seuil d'estimation haute de 35 m$ et établi un nouveau record
mondial pour l'artiste. Son dernier record d'enchère est frais de six
mois et apparaît comme une bonne affaire à 18 m$ de moins (Number 4 se
payait 40,4 m$ frais inclus, adjudication de 36 m$ le 13 novembre 2011,
Sotheby's).
Parallèlement aux records, une vente, même de prestige, vient avec
son lot de déceptions. La vente impressionniste et moderne de Christie's
rayonnait d'abord par l'adjudication record du Petit Pâtissier de Chaïm
Soutine, mais fut ternie par le défaut de vente du portrait de Madame
Matisse au kimono, peint par Derain en 1905 et estimé entre 15 m$ et
20 m$.
Du côté des cessions contemporains, quelques oeuvres affichant des
estimations à huit chiffres n'ont pas trouvé preneur, dont une toile de
Francis Bacon (Study for Portrait of P.L., estimée entre 30 m$ et 40
m$ chez Sotheby's et deux ?uvres de Jeff Koons , estimées entre 6 m$ et
15 m$.